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Joseph Blatter dénonce une forme de "babélisation du football"
Dans un entretien au "Monde", le président de la Fédération internationale de football (FIFA) affirme son opposition à l'arrêt Malaja, une extension de l'arrêt Bosman en matière de liberté de circulation des sportifs. "C'est la dérégulation sauvage, une forme de dumping social", déclare-t-il.
Le Conseil d'Etat a donné raison, fin décembre 2002, à la basketteuse Lilia Malaja qui demandait à être considérée comme une sportive communautaire en raison de l'accord d'association signé entre son pays, la pologne, et l'union européenne en 1991.
Sachant que 24 pays ont signé des accords similaires avec l'UE, que vous inspire cette affaire ?
Laissez-moi d'abord vous dire qu'en Europe le football – le "marché du travail du fournisseur de spectacle footballistique"dans le jargon bruxellois – est aujourd'hui largement en avance sur le thème de la liberté de mouvement des personnes. En moyenne, le pourcentage de population non nationale dans les quinze pays membres de l'Union européenne se situe entre 6 % et 7 % de la population totale. Au sein des ligues professionnelles de football des cinq grands pays d'Europe occidentale, le pourcentage – similaire – de joueurs non sélectionnables s'échelonne en gros de 25 % à 55 %. Qu'on arrête donc de donner au football des leçons sur ce thème. Le football symbolise des valeurs qui dépassent les frontières, les origines ethniques, les religions, les genres et les classes sociales. Qu'on arrête d'en faire le symbole unique de l'absence de liberté de mouvement des personnes sans vouloir en regarder les conséquences.
Cet arrêt peut-il modifier la face du football professionnel comme l'a fait l'arrêt Bosman en 1995 ?
Tout à fait, car le recours aux clauses de non-discrimination qui figurent dans les accords d'association de l'UE avec des Etats non-membres ouvre la porte à beaucoup d'excès. N'oublions pas que cette clause existe également dans l'accord de Cotonou avec 77 pays Afrique-Caraïbes-Pacifique. L'arrêt Malaja combiné à l'élargissement de l'Europe en 2004, c'est l'arrêt Bosman à la puissance 10, non pas sur quinze pays ayant des niveaux de développement footballistique homogènes mais sur plus de 100 pays. C'est la dérégulation sauvage, une forme de "dumping social" dans le football, la victoire des intérêts individuels à court terme et ceux de ces intermédiaires qui se servent du football plutôt qu'ils ne le servent.
Cet arrêt survient à un moment où certains grands championnats européens – Italie, Angleterre – privilégient la formation de joueurs nationaux au recrutement de stars étrangères. L'arrêt Malaja ne risque-t-il pas de briser cet élan ?
En effet, car les esprits chez beaucoup d'acteurs du football ont évolué sur ce thème. Fédérations nationales, ligues, clubs, joueurs commencent à se rendre compte des excès et de leurs conséquences : crise financière des clubs, hausses des salaires des joueurs "importés" dont beaucoup ne justifient pas les attentes sportives alors que la formation de jeunes joueurs "coûte" moins cher, montée rapide du chômage chez les joueurs professionnels, etc. Ce serait vraiment dommage de perdre l'effet de cette prise de conscience de la nécessité de revenir vers plus de sagesse, vers plus de travail à la base du football, au moment où émergent de forts talents locaux, comme Rafael Van der Vaart (Ajax Amsterdam), Wayne Rooney (Everton), Kevin Kuranyi (Stuttgart), Anthony Le Tallec et Florent Sinama-Pongolle (Le Havre), Cristinao Ronaldo (Sporting Lisbonne), Robinho et Diego (Santos). Faire confiance aux jeunes et développer la formation, c'est bon pour les clubs, pour les joueurs et pour le football.
La suppression totale des quotas de nationalités est-elle envisageable dans le football ?
On voit dans d'autres secteurs les conséquences de ces libéralisations sauvages. Je n'y suis pas favorable pour le football.
Vous aviez lancé l'idée, il y a quelques années, d'introduire une nouvelle règle dite du "6 + 5": chaque équipe aurait ainsi l'obligation d'entrer sur le terrain avec au moins six joueurs sélectionnables dans l'équipe nationale du pays où réside le club. Où en est ce projet ?
C'est une idée qui est débattue et que certains souhaitent défendre en dépit des obstacles politiques et des difficultés légales. Elle peut se matérialiser avec des nuances, par exemple que six joueurs aient été formés dans un ou plusieurs des centres de formation du pays du club concerné. Mais quelle qu'en soit la forme, il faut faire quelque chose face à ce phénomène de "babélisation" de certains clubs. Cette proposition de "6 + 5" ne serait qu'une mesure de nature sportive qui n'affecterait pas les contrats de travail. De plus, elle permettrait de faire disparaître toutes les hypocrisies et les fraudes, comme celles des faux passeports. Une telle règle sportive aurait le mérite de la clarté, de la simplicité et du sens : protéger la formation des jeunes et les clubs formateurs en imposant d'une certaine façon à tous les clubs d'en faire un objectif prioritaire.
Pourquoi ne pas retourner à Bruxelles pour imposer cette idée ?
La Commission européenne n'est qu'un des acteurs du débat qui regroupe les joueurs et leurs représentants -la FIFPro-, les clubs, les ligues et les fédérations nationales, sans oublier les gouvernements des Etats membres qui sont aussi responsables du développement du sport dans leurs pays respectifs et de la santé de leurs équipes nationales. Dans la déclaration de Nice adoptée en décembre 2000 sur la spécificité du sport, les chefs d'Etat et de gouvernement ont reconnu ce lien fort entre les politiques de formation et la "vitalité" des équipes nationales.
Tout ce débat est finalement simple : ramener un peu de bon sens dans un football qui a perdu ses repères durant les années de bonanza économique, préserver l'équilibre entre l'identité nationale et la diversité planétaire qui fait notre richesse. Le football, c'est comme la culture et la musique : on peut aimer la samba, le tango, les Beatles et Youssou N'Dour tout en écoutant Brel, Renaud et Alain Souchon.
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L'arret Bosman est l'un des responsables de la faiblesse du foot francais et l'un des responsables du foot business. J'aimerais que l'on revienne a trois ou quatre etrangers par clubs, ca permettrait de niveler les valeurs ou rendre les coupes europeenes plus interessantes.
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